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David Planchard : révolutionner les thérapies ciblées du cancer du poumon 

David Planchard est oncologue thoracique à Gustave Roussy. Il est également professeur associé à l’Université Paris-Saclay et membre de l’équipe Adaptation génétique aux inhibiteurs de kinases au sein de l’unité Prédicteurs moléculaires et nouvelles cibles en oncologie (PMNCO – Univ. Paris-Saclay/Inserm/Gustave Roussy). Chercheur et médecin, il consacre son expertise à la caractérisation des anomalies génétiques des cancers du poumon pour mieux les cibler en thérapie, avec succès.

C’est à la faculté de médecine de Paris-Ouest que David Planchard choisit, par vocation, d’étudier la médecine. L’oncologie s’impose à lui comme une évidence. Après avoir effectué un stage inter-CHU à Gustave Roussy et soutenu sa thèse de médecine sur les métastases pulmonaires des cancers du sein, il part au CHU de Poitiers pour effectuer deux ans de clinicat en pneumo-oncologie. Il y obtient rapidement un poste de praticien-hospitalier et découvre les premières études d’essais thérapeutiques du cancer du poumon. « Je me suis rendu compte que c’était exactement ce que je voulais faire. »

David Planchard

David Planchard se tourne alors vers la recherche clinique. Il obtient, en 2007, le Diplôme universitaire européen de recherche translationnelle et clinique en cancérologie de l’Université Paris-Saclay, puis demande une disponibilité au CHU de Poitiers pour poursuivre ses recherches en réalisant une thèse sur les facteurs de réparation de l’ADN des cellules tumorales du poumon à Gustave Roussy.

À l’issue, alors qu’on l’attend à Poitiers pour continuer le développement de l’oncologie thoracique au sein d’un nouveau pôle régional de cancérologie, David Planchard décide finalement de poursuivre sa carrière à Villejuif, séduit par la capacité de Gustave Roussy à mettre en place des projets thérapeutiques innovants. Toute la suite de sa carrière se fait au sein de l’Institut, où il coordonne depuis 2018, en tant que chef du comité de pathologie thoracique, la prise en charge des patientes et patients avec une équipe pluridisciplinaire. Il est également président du Centre international des cancers thoraciques (CICT), une instance de pilotage commune aux hôpitaux Gustave Roussy, Marie Lannelongue et Saint Joseph.

Caractériser pour mieux cibler

Au début des années 2000, la première thérapie ciblée du cancer du poumon se met en place suite à la découverte de la première anomalie génétique ciblable : celle du gène du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR). Responsable de 10 à 15 % des cancers du poumon non à petites cellules – où une tumeur maligne se développe à partir des cellules tapissant la paroi des bronches, des bronchites et des alvéoles – l’EGFR se trouve à la surface des cellules tumorales et son rôle consiste à envoyer un signal de croissance au noyau de la cellule.

« Les patientes et patients répondaient à cette thérapie de façon magique », se souvient David Planchard, alors l’investigateur principal (PI) d’une étude clinique portant sur la première administration chez l’être humain de la troisième génération inhibiteurs anti-EGFR, parmi six études cliniques menées en parallèle dans le monde. « Pour augmenter la survie sans récidive, nous avons démontré, avec mes collègues nord-américains, le bénéfice clinique de l’association de la thérapie ciblée à la chimiothérapie, notamment chez les patientes et patients comportant des métastases cérébrales, fréquentes dans ce type de cancer. » Approuvée aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA), cette nouvelle association tarde à l’être au niveau européen, « empêchant les patientes et patients français d’y avoir accès », regrette le chercheur.

Traquer la BRAF

Si de nombreux scientifiques continuent à s’intéresser à l’EGFR, David Planchard se fait ensuite spécialiste d’une autre anomalie, la mutation V600E du gène BRAF codant pour la protéine kinase BRAF, présente chez 2 à 3 % des patientes et patients atteints d’un cancer du poumon (dont les deux-tiers sont d’anciens fumeurs ou encore actifs). « La mutation BRAFV600E produit une protéine BRAF anormale, laquelle entraîne le développement irréversible des cellules de la tumeur. C’est comme un interrupteur bloqué en permanence sur ON qui dit aux cellules de se diviser », explicite le chercheur.

David Planchard conduit une étude clinique multicentrique internationale comportant successivement trois cohortes de patientes et patients, en 2011, 2013 et 2014, dans lesquelles il inclut celles et ceux porteurs de l’anomalie BRAFV600E. Pour anticiper le principal mécanisme de résistance aux inhibiteurs anti-BRAF, David Planchard parvient à cibler cette protéine en même temps que celle située en aval dans la voie de signalisation en question, la MEK. « Grâce à ce double blocage, nous avons réussi à inhiber BRAF de façon plus efficace chez nos patientes et patients, avec une combinaison de thérapies ciblées ». Le traitement devient alors la référence mondiale, entrant dans les guidelines des agences du médicament du monde entier dès 2019 et hissant David Planchard au plus haut niveau international de l’oncologie thoracique.

Repérer l’ADN circulant dans les biopsies liquides

Leader en oncologie thoracique, l’Institut Gustave Roussy utilise depuis cinq ans la biopsie liquide, une prouesse technique moins intrusive que la biopsie tissulaire. « À partir d’une prise de sang, nous sommes capables, dans plus de 60 % des cas, d’identifier les mutations oncogéniques à partir de fragments de l’ADN tumoral circulant. Notre objectif est de comprendre les mécanismes de résistance aux thérapies ciblées pour ensuite développer des nouvelles générations d’inhibiteurs et adapter rapidement le traitement des patientes et patients. », explique David Planchard.

L’étude clinique STING vient de démarrer à cet effet. Elle vise à tester les nouvelles patientes et les nouveaux patients de Gustave Roussy pour définir leur portrait moléculaire et adapter leur traitement. En collaboration avec l’équipe de Françoise Farace, David Planchard travaille également sur l’identification des cellules tumorales circulantes, notamment chez les patientes et patients BRAF. Il s’agit ici d’isoler les cellules tumorales elles-mêmes, grâce à un système de filtrage et de triage des cellules sanguines spécifiques. « Nous pouvons ainsi séquencer l’ADN tumoral de chaque cellule pour mieux capturer son hétérogénéité et les différents mécanismes complexes de résistance du cancer de chaque patient et patiente. »

Multiplier les pistes de recherche de thérapies ciblées

« Les cancers de certaines de mes patientes et de mes patients sont parfaitement contrôlés sous thérapie ciblée au bout de cinq à dix ans de traitement, même si, malheureusement, la plupart des cancers vont évoluer plus rapidement. » C’est pourquoi David Planchard poursuit inlassablement le développement de nouvelles générations d’inhibiteurs ciblés ou d’associations, en collaboration avec les industries du médicament et l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT). Il travaille aussi à l’immunothérapie, plutôt destinée aux gros fumeurs, dont le cancer entraine de multiples altérations moléculaires. « Lorsqu’on ne parvient pas à identifier une altération moléculaire ciblable, on fait de l’immunothérapie. Elle consiste à démasquer les cellules tumorales chez les patientes et patients : une fois ces cellules reconnues par le système immunitaire les patientes et patients s’en débarrassent naturellement. » Le chercheur a récemment présenté les résultats d’une étude clinique multicentrique très prometteuse, coordonnée par Gustave Roussy. Il s’agit d’une nouvelle classe de médicament, les anticorps conjugués à un médicament. « L’anticorps cible une protéine surexprimée à la surface des cellules tumorales. Conjugué, par un système de linker, à une drogue de chimiothérapie, il délivre la drogue directement aux cellules tumorales en épargnant les bonnes cellules. »

Depuis 2020, David Planchard réitère chaque année l’exploit d’être un Highly Cited Scientist, c’est-à-dire un des scientifiques dont les publications sont les plus citées au monde. Un exemple pour les générations futures. « Aujourd’hui, la mauvaise annonce de cancer aux patientes et patients est aussitôt tempérée par l’espoir de thérapies innovantes et de la médecine personnalisée », conclut-il.

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